RISQUES D’INFLATION – L’APPROCHE DE LA PERFORMANCE ABSOLUE OBLIGATAIRE
Mai 2021
Communication marketing
Investir malgré le climat d’inflation
Les craintes liées à l’inflation sont en hausse et les investisseurs cherchent désespérément à prévoir sa trajectoire. Nous pensons qu’une meilleure approche consiste à se positionner en fonction des risques. Voici comment.
Par
Andres Sanchez Balcazar
Head of Global Bonds
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Et si on parlait de l’inflation. La levée continue des restrictions liées aux confinements, les montants considérables de dépenses publiques et les politiques accommodantes des banques centrales suscitent beaucoup de préoccupations quant à une possible surchauffe de l’économie. Les raisons de s’inquiéter sont bien là: l’inflation pèse lourdement sur les prix des actifs. Pourtant, elle est, et elle a toujours été, extrêmement difficile à évaluer. Bien des économistes se sont lourdement trompés dans leurs prévisions alors qu’ils tentaient de déterminer sa trajectoire.
C’est pourquoi nous envisageons l’inflation à travers une approche de gestion du risque. Au lieu d’essayer de prédire exactement l’évolution possible de l’inflation au cours des prochaines années, nous nous concentrons sur les risques les plus importants et choisissons la méthode la plus efficace pour les couvrir. Les efforts pour se protéger activement contre les risques extrêmes – des scénarios qui vont au-delà de ce que l’on peut attendre habituellement – font partie intégrante de notre processus.
La majeure partie des préoccupations liées à l’inflation provient d’une augmentation des dépenses publiques. Dans la plupart des économies développées, elles dépassent ainsi désormais 4% du PIB. Il y a seulement deux ans, on considérait que 2% étaient un niveau excessif. Et les largesses sont loin d’être finies, en particulier aux États-Unis. Selon la théorie économique traditionnelle, telle que l’exposait John Maynard Keynes, des mesures de relance d’une telle ampleur transformeraient ce qui est actuellement un déficit de production très prononcé1 en un formidable excédent de production, et entraîneraient des niveaux d’inflation exceptionnellement élevés.
Cependant, cette fois-ci, l’élément déclencheur de la relance a été un choc extrêmement profond et violent pour la croissance, en particulier dans le secteur des services. Certes, l’envergure des mesures budgétaires est colossale, mais l’ampleur du choc sur la croissance économique l’année dernière a été sans précédent en temps de paix. Jusqu’à présent, les dépenses publiques ont seulement permis de maintenir l’économie à flot, mais la production n’a pas encore retrouvé les niveaux d’avant la pandémie. De plus, le rythme de la reprise ne devrait pas se maintenir, car les dépenses budgétaires vont probablement reculer de manière spectaculaire à partir de 2022. Ainsi, l’excédent de production devrait atteindre au maximum 3%, un niveau que l’on a peut-être plus vu depuis le début des années 1980, mais qui ne devrait pas faire décoller les attentes à long terme sur l’inflation au-delà des niveaux actuels.
La masse monétaire est une autre source de préoccupation pour l’inflation. La croissance des dépôts à court terme et des liquidités (M1), ainsi que celle des dépôts à long terme (M2), surpasse largement celle de toute autre période depuis la Seconde Guerre mondiale. Il n’y a cependant pas de quoi paniquer. La corrélation entre la masse monétaire et l’inflation est restée extrêmement faible pendant les 40 dernières années.
Par ailleurs, la croissance des agrégats monétaires s’est accompagnée d’un effondrement de la vitesse de la monnaie. C’est une conséquence de la pandémie: les entreprises et les consommateurs préfèrent encore détenir des montants importants de liquidités et nous pensons qu’il est peu probable qu’ils se diffusent en intégralité dans l’économie (les ménages américains, par exemple, prévoient de ne dépenser que 25% de leurs derniers chèques de relance, le reste étant soit épargné, soit utilisé pour rembourser des dettes, selon une enquête menée par la Fed de New York).
La flambée des prix des matières premières alimente également les craintes relatives aux pressions inflationnistes. Dans les années 80 et au début des années 90, ils constituaient en effet des sources d’inflation fondamentales. Depuis, la corrélation entre les prix à la production des biens et les tarifs réclamés aux consommateurs s’est évanouie (voir le graphique), car l’importance des biens dans l’inflation des prix à la consommation en général a diminué au profit des services. Il n’est donc pas du tout évident que l’inflation des matières premières et d’autres matériaux se traduira automatiquement par une hausse des prix à la consommation.
Indépendamment de l’évolution «attendue» de la croissance et de l’inflation, la Covid reste une source d’incertitude majeure qui pourrait encore bouleverser l’opinion du consensus. Les hausses d’impôts aux États-Unis sont une autre inconnue, qui pourrait potentiellement freiner certaines pressions inflationnistes.
Tout cela complique fortement la réalisation de prévisions très précises. D’une manière générale, on peut tabler sur trois scénarios principaux:
Toujours la même histoire: une répétition de ce que nous avons vu au cours de la dernière décennie, avec des hausses mensuelles des prix à la consommation de 0,1-0,14% en moyenne. L’inflation américaine serait donc encore en deçà de l’objectif de 2% de la Réserve fédérale américaine dans deux ans. Dans ce scénario, les bons du Trésor américain à plus longue échéance et le crédit de qualité supérieure des marchés développés devraient surperformer. Le dollar pourrait nettement chuter, ce qui profiterait à la dette des marchés émergents en devise locale. Les cours de cette classe d’actifs reposent actuellement sur une hausse significative de l’inflation dans les pays développés. Si elle ne se produit pas, les obligations d’échéance moyenne et longue de ces marchés devraient rebondir.
Scénario de la Fed: La banque centrale américaine table sur une inflation moyenne de 0,2% par mois. L’inflation ne retrouverait de cette façon l’objectif de 2% qu’à partir de juillet 2023, avec un éventuel dépassement à environ 2,5%. Ce scénario est assez conforme au positionnement actuel du marché, mais nous nous attendons à une poursuite des opérations de compression, c’est-à-dire que le crédit à haut rendement et la dette des marchés émergents en devise forte surperforment, que les obligations d’entreprises des marchés émergents se portent plutôt bien et que certaines obligations des pays périphériques européens surperforment les Bunds allemands. Le dollar devrait également bien résister, soutenu par des dépenses budgétaires inhabituellement élevées aux États-Unis par rapport au reste du monde.
Crainte d’inflation: Le scénario d’une inflation élevée prévoit une hausse de 0,25% par mois en moyenne. L’inflation pourrait alors commencer à sortir de la zone de confort de la Fed et, si elle atteint environ 3%, la banque centrale pourrait se sentir obligée de donner un coup de frein et de relever les taux de manière agressive. La dernière chose que la Fed souhaite faire est de débloquer les anticipations d’inflation. Elle est suffisamment crédible pour se permettre un léger dépassement, mais seulement pour une période limitée. Étant donné que les anticipations d’inflation sont constamment restées bloquées à environ 2%, la corrélation entre les rendements obligataires et les actions a été positive, ce qui permet à la Fed de contrôler la situation seulement avec de faibles ajustements pour limiter le niveau d’incertitude et de volatilité qu’elle ajoute aux marchés. Elle a gagné sa crédibilité grâce à de nombreuses années de politiques convaincantes de ciblage de l’inflation et nous ne pensons pas que la Fed serait prête à la remettre en cause.
Notre scénario de base se situe entre le premier et le deuxième, le troisième scénario représentant un risque extrême non négligeable. C’est pour cela que nous adoptons certaines positions de couverture.
Les obligations chinoises en renminbi sont une option particulièrement intéressante à cet égard. La Chine souhaite faire du renminbi une alternative stable au dollar. Nous pensons donc que les obligations en renminbi pourraient être un très bon actif de diversification contre ce scénario de crainte d’inflation dans le reste du monde. Les données récentes sur les flux suggèrent que c’est une position déjà assez populaire, mais nous pensons toujours que la Chine est en avance sur le cycle par rapport au reste du monde avec des marchés du crédit qui affichent un durcissement des conditions. Les obligations en renminbi devraient continuer à bénéficier de ces tendances à moyen terme.
Les devises liées aux matières premières2 devraient également bien résister en cas de crainte d’inflation, tout comme les positions tablant sur un aplatissement de la courbe et les obligations indexées sur l’inflation à échéance moyenne aux États-Unis (TIPS). L’humeur générale sera probablement à l’aversion au risque, ce qui devrait profiter au dollar.
Quelle que soit l’évolution de l’inflation, nous pensons qu’il y a suffisamment de dislocations sur les marchés obligataires mondiaux pour générer des performances réelles attrayantes au cours des prochaines années. L’incertitude provoquée par la pandémie et les politiques budgétaires et monétaires peu orthodoxes sont là pour durer. La clé consistera à identifier les risques et les opportunités et à équilibrer votre portefeuille entre les différents scénarios.
en savoir plus sur notre approche de la performance absolue obligataire
Andres Sanchez Balcazar a rejoint Pictet Asset Management en 2011 et il est maintenant responsable de l’équipe Global Bonds.
Auparavant, il a occupé pendant six ans la fonction de gérant de portefeuille senior chez Western Asset Management Company Ltd. Il y était responsable de la gestion de portefeuilles investissant dans des titres à revenu fixe internationaux, européens ou associés à une stratégie de rendement absolu. Il a également travaillé cinq ans chez Merrill Lynch Investment Managers en tant que gérant de portefeuille spécialiste des marchés européens et internationaux. Il a débuté son parcours professionnel au sein de la banque centrale colombienne (Banco de la Republica de Colombia), où il menait des analyses macroéconomiques (Etats-Unis, Europe et Japon).
Andres est diplômé en économie de la Universidad de Los Andes (Bogota, Colombie) et titulaire d’un master en management délivré par HEC Paris. Il a également obtenu le diplôme d’analyste financier agréé (CFA).
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