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Obligations vertes et durables des marchés émergents

Octobre 2022
Communication marketing

ESG et dette des marchés émergents - passer à une vision à long terme

Les investisseurs ayant des allocations en dette des marchés émergents doivent désormais comprendre l’impact réel sur les économies en développement de facteurs à long terme tels que le changement climatique et le développement du capital humain.

01

Appétit vert

Dans le monde entier, les gouvernements se pressent pour profiter de coûts d’emprunt historiquement bas en émettant des dettes aux échéances de plus en plus longues. Ces dernières années, le Mexique et l’Argentine ont même réussi à vendre des obligations centenaires. Cela place les investisseurs obligataires face à plusieurs nouveaux défis, notamment lorsqu’ils détiennent des obligations des marchés émergents.

Non seulement les détenteurs d’obligations doivent soupeser les facteurs habituels à court terme tels que les cycles politiques, économiques et des matières premières, mais, pour prêter à des émetteurs souverains sur des périodes aussi longues, ils doivent désormais également tenir compte de l’impact de tendances à plus long terme, comme le changement climatique et le développement social. Ces deux facteurs peuvent profondément affecter la solvabilité.

Cette situation réclame de nouvelles approches de la réflexion sur les investissements. Il faut repenser les prévisions économiques et financières pour tenir compte de la dynamique climatique. Par ailleurs, les modélisations du changement climatique dépendent elles-mêmes des attentes relatives aux changements technologiques futurs ainsi que de l’évolution de la pensée politique dans ces pays. Ces rouages sont de plus en plus nombreux et les investisseurs réalisent qu’ils ont également un rôle à jouer dans la manière dont les gouvernements abordent la durabilité de leur économie et la réduction des émissions de carbone.

C’est un problème complexe. Mais ce n’est pas une question insurmontable.

Verdir la dette des marchés émergents

En 2015, quelque 17% de la dette des marchés émergents libellée en devise forte affichait une échéance de 20 ans ou plus. Début 2021, cette proportion était passée à 27%. Même la dette des marchés émergents libellée en devise locale, qui tend à être à plus court terme, s’est déplacée le long de la courbe des échéances. Au cours de la même période, la part de dette libellée en devise locale affichant une échéance de cinq ans ou plus avait augmenté de 11 points de pourcentage pour atteindre 58%1.

Cette évolution reflète la demande croissante de rendement de la part d’investisseurs désespérément en quête de revenus. Cela dit, dans le même temps, les détenteurs d’obligations ont pris conscience de l’importance d’adopter une vision à long terme pour les questions environnementales. On peut le voir à la fois dans l’appétit pour les obligations vertes (des capitaux consacrés à des projets environnementaux ou climatiques) et, plus généralement, pour les obligations qui sont liées aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

Les gouvernements répondent bien volontiers à cette demande. Ils sont de plus en plus conscients de la nécessité de faire des efforts pour atténuer le changement climatique et, étant donné que les économies des marchés émergents représentent la moitié de la production mondiale, ils ont un rôle important à jouer pour atteindre les objectifs mondiaux en matière d’émissions de gaz à effet de serre.

Fig. 1 - Emprunter durablement
Émissions d’obligations vertes, sociales et durables des marchés émergents par type (en milliards d’USD)
SDG issuance chart.png
Source: Pictet Asset Management, Bloomberg. Données au 22.01.2021.

Entre début 2015 et fin 2020, les émissions annuelles d’obligations vertes, sociales et durables par des gouvernements des marchés émergents ont été multipliées par près de quatre pour atteindre 6,2 milliards de dollars 2. En outre, la demande ne fait que croître. Par exemple, pendant les seules premières semaines de janvier, le Chili a atteint 70% de son objectif d’émission de dette de 6 milliards de dollars pour 2021, la totalité en obligations vertes et sociales. Le pays prévoit par ailleurs d’émettre uniquement des obligations vertes et durables au cours du reste de l’année3. En septembre 2020, le Gouvernement de l’Égypte est devenu le premier du Moyen-Orient à émettre une obligation verte. Le pays a levé 750 millions de dollars pour financer ou refinancer des projets écologiques. Les investisseurs étaient enthousiastes: l’obligation a été sursouscrite à 500%, faisant chuter le rendement à 5,25%, contre 5,75% pour l’offre initiale4.

D’une manière générale, ces obligations affichent des échéances plus longues que les titres de dette conventionnels. Quelque 46% des 36,8 milliards de dollars d’obligations ESG des marchés émergents libellées en devise locale en circulation ont une échéance de plus de 10 ans, alors que leur part s’élève à 41% pour les 12,9 milliards de dollars d’obligations ESG des marchés émergents en devise forte en circulation5.

Ces obligations permettent aux investisseurs de suivre les performances, tandis que les programmes écologiques peuvent également aider les gouvernements à améliorer leurs notations de crédit, ce qui élève ensuite la valeur de leur dette, et profite ainsi aux détenteurs d’obligations.

Dans l’ensemble, les obligations vertes génèrent des effets de rétroaction positifs. Les volumes croissants d’émissions d’obligations vertes et durables soulignent la volonté des investisseurs d’adopter une approche à long terme de l’investissement dans les marchés émergents. Cependant, cela fait peser davantage de responsabilités sur les gouvernements: pour émettre ces obligations, ils doivent publier des cadres de durabilité plus précis. Cette responsabilisation supplémentaire contribue à atténuer les risques politiques, un facteur clé de l’investissement dans les marchés émergents. Toutefois, les investisseurs devront analyser et suivre de près l’évolution de la situation pour s’assurer que les produits sont utilisés comme prévu.

En effet, les obligations vertes constituent l’évolution la plus prometteuse dans le financement des marchés émergents depuis des décennies et, selon nous, elles auront un impact équivalent aux obligations Brady des années19806, même si tout dépendra de l’amélioration de la communication ainsi que du suivi et de la normalisation des labels verts dans le secteur.

02

Le changement climatique est important (en particulier dans les ME)

En dépit du nombre élevé d’émissions souveraines d’obligations vertes enregistré jusqu’à présent, il faudra collecter beaucoup plus de financements pour limiter le changement climatique. Selon l’Energy Transitions Commission, pour y parvenir, les dépenses supplémentaires devront atteindre de 1 000 à 2 000 milliards de dollars par an, soit environ 1% à 1,5% du PIB mondial7 . En outre, ce sont les économies émergentes qui devront supporter une part importante de ces coûts, notamment parce que ce sont elles qui sont susceptibles de souffrir le plus.

D’ici à la fin de ce siècle, si nous ne parvenons pas à atténuer le changement climatique – c’est-à-dire à limiter le réchauffement à 4,3°C au-delà des niveaux préindustriels – la production économique par habitant dans de grands pays comme le Brésil et l’Inde pourrait être inférieure de plus de 60% à celle d’un monde sans changement climatique, selon un rapport de la Smith School de l’Université d’Oxford, parrainé par Pictet8. À l’échelle mondiale, le recul serait de 45%. 

Fig. 2 - Afficher leur maturité
Profil d’échéance des obligations ESG (en milliards d’USD)
Maturity profile chart.png
Source: Pictet Asset Management, Bloomberg. Données au 22.01.2021.
Limiter le réchauffement à 1,6°C permettrait de nettement réduire ce chiffre pour le porter à environ 27% de la production potentielle par habitant pour l’ensemble du monde, mais avec des différences considérables entre les pays. Alors que les habitants des pays tropicaux seraient durement touchés par les effets de la sécheresse et de l’altération des régimes de précipitations, ceux des hautes latitudes, comme la Russie, sortiraient relativement gagnants, car les ports seraient pris moins longtemps par les glaces et davantage de territoires seraient ouverts aux industries extractives et à l’agriculture. Par ailleurs, même si les dommages pour la Chine pourront être dans l’ensemble plus faibles que la moyenne, ses grandes agglomérations côtières seraient touchées en raison de l’augmentation du niveau de la mer. 
03

Intégrer les risques

Avec les manifestations de plus en plus patentes de ces effets, les investisseurs vont faire preuve de davantage de prudence face aux prêts accordés aux pays vulnérables. Le changement climatique a en outre déjà un impact sur les notations de crédit des pays en développement. En 2018, l’agence de notation Standard & Poor’s a cité le risque d’ouragan lorsqu’elle a réduit ses perspectives de notation sur la dette souveraine émise par les îles Turques-et-Caïques9 .

Selon le professeur Cameron Hepburn, auteur principal du rapport d’Oxford, les investisseurs doivent s’attendre à une augmentation de la volatilité de la production et de l’inflation dans les économies émergentes au cours des dix à vingt prochaines années en raison d’événements climatiques, tels que les sécheresses, les violentes tempêtes et les changements de modèles de précipitations. 

Cela constituerait un fort revers pour les emprunteurs souverains des marchés émergents. Depuis le début du siècle, les volatilités relatives de la croissance et de l’inflation entre les marchés émergents et développés ont diminué de moitié10, ce qui a réduit le risque auquel les investisseurs sont confrontés. Les évaluations des risques souverains seraient affectées par la volatilité économique en hausse, ce qui nuirait à leurs profils de crédit. 

Le changement climatique a déjà un impact sur la notation de crédit des pays en développement.

D’autres recherches menées par l’équipe d’Oxford soulignent les mesures que les pays devront adopter pour continuer à construire une économie plus verte11.

Chez Pictet Asset Management, nous utilisons déjà une multitude de données ESG - issues à la fois de sources externes et internes - dans le cadre de notre notation des pays. Les facteurs environnementaux que nous utilisons sont entre autres la qualité de l’air, l’exposition au changement climatique, la déforestation et le stress hydrique. Les dimensions sociales comprennent l’éducation, la santé, l’espérance de vie et la recherche scientifique. Enfin, la gouvernance porte sur des éléments comme la corruption, le processus électoral, la stabilité des gouvernements, l’indépendance de la justice et le respect de la vie privée. Ces facteurs sont réunis pour former un score total qui devient l’un des six piliers de l’indice de risque des pays (CRI) que génèrent nos équipes d’économistes. 

04

Égalité des chances

Les prix des actifs des marchés émergents reflètent selon nous de manière inefficace les considérations ESG. En effet, le marché n’en est encore qu’à un stade précoce dans la compréhension et l’application des facteurs ESG et de l’analyse. De nombreux pays émergents manquent également de données ESG cohérentes et transparentes. Selon nous, l’utilisation d’un score ESG n’est tout simplement pas suffisante. Pour nous aider à atténuer les risques et à faire apparaître des opportunités d’investissement, nous examinons les fondamentaux des marchés émergents au travers du prisme de la durabilité. Nous utilisons nos propres données et analyses ESG et nous nous engageons auprès des émetteurs d’obligations souveraines pour les aider à apporter des changements à long terme.

Les niveaux de développement sont très variables entre les différentes économies émergentes. Cela complique la façon dont les investisseurs doivent mesurer leur performance ESG – après tout, les pays plus riches sont plus à même de prendre des décisions politiques positives en matière d’ESG, qui ont souvent des coûts initiaux élevés, mais des avantages à long terme, comme la fermeture des mines de charbon au profit de l’énergie solaire. 

Fig. 3 - PIB vs ESG
PIB par habitant par rapport aux scores ESG
GDP vs ESG chart.png
* Le score ESG est transformé à partir des données Maplecroft. La courbe de tendance R² est 0,52.
Source: Maplecroft, Bloomberg, Pictet Asset Management. Données au 31.12.2020.

L’application de l’approche la plus simple aux critères ESG – en investissant sur la base des classements ESG des pays – ferait sortir les investisseurs obligataires des pays en développement les plus pauvres, même si ceux-ci mettent en œuvre les bonnes politiques pour améliorer leur position ESG. Au lieu de cela, il est important pour les investisseurs de savoir ce qui est possible et réalisable dans les pays les plus pauvres et d’allouer des financements dans le respect de ces contraintes. La compréhension de la trajectoire des pays en matière d’ESG est essentielle pour analyser leurs perspectives. 

Chez Pictet AM, l’une des solutions déployées consiste à pondérer les critères ESG par rapport au PIB par habitant d’un pays. Par exemple, dans le cadre de notre nouveau système de notation, l’Angola affiche un score honorable sur cette base ajustée, malgré un classement général bas. Et l’inverse est vrai pour les États membres du Conseil de coopération du Golfe. 

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Approches dynamiques

La réaction des gouvernements face à des questions à long terme comme le changement climatique ou le défi du développement de leur capital humain influencera les trajectoires de leurs économies et, au bout du compte, jouera un rôle dans leurs notations de crédit. Ces décisions à long terme sont de plus en plus importantes, notamment compte tenu de l’ampleur des politiques budgétaires mises en œuvre au lendemain de la pandémie de Covid-19. Le suivi de ces programmes de dépenses, par exemple à travers l’Observatoire de la relance économique d’Oxford12, constitue ensuite une étape importante pour comprendre les trajectoires ESG que les gouvernements sont susceptibles de suivre. 

Les pays qui appliquent des politiques de qualité et bien structurées ont des chances de voir leurs notations de crédit s’améliorer. Les investisseurs sont ainsi attirés, ils injectent des fonds dans leurs programmes d’investissement verts, et un cycle d’investissement vertueux s’enclenche.

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Investisseurs engagés

Tout cela implique que les investisseurs jouent un rôle actif. Ils ne peuvent pas se contenter d’allouer passivement des financements en fonction des pondérations indicielles ou de simplement réagir aux décisions des responsables politiques. Les investisseurs les plus performants aideront à orienter les gouvernements vers les solutions qui augmentent leurs notations de crédit, leur offrent l’accès le plus large au marché et améliorent le sort des citoyens et leur permettent de réaliser leur potentiel.

Ils peuvent, par exemple, expliquer comment lorsqu’elle est financée par des obligations vertes, l’électricité produite par l’éolien ou le solaire peut s’avérer plus rentable à long terme que le charbon nettement moins cher extrait d’une mine payée avec une dette conventionnelle à plus haut rendement. Ou comment les investissements dans les énergies fossiles pourraient devenir de grands éléphants blancs, car ces types d’actifs polluants seront abandonnés en raison des changements vers une production d’énergie plus propre. Ou que le fait de ne pas investir suffisamment dans l’éducation est une fausse économie qui, à long terme, empêchera de tirer le meilleur parti du capital humain et réduira ainsi la production nationale, ce que nous avons soulevé avec le gouvernement sud-africain après nos réunions avec nos partenaires caritatifs sur le terrain dans le pays.

À cette fin, la Banque mondiale a publié en 2020 un guide qui tombe à point nommé sur la manière dont les émetteurs souverains peuvent renforcer leur engagement auprès des investisseurs sur les questions ESG13 .

Les investisseurs les plus performants aideront à orienter les gouvernements vers les solutions qui augmentent leurs notations de crédit.

Ce type d’analyse approfondie – qui repose sur des éléments aussi variés que des modèles macroéconomiques à long terme ou des réunions avec les dirigeants de clubs de jeunes dans des districts défavorisés – peut également aider à esquisser une image fidèle de ce qui se passe dans un pays. Par exemple, elle nous a permis de ne pas être pris au dépourvu par la montée en puissance des populistes en Argentine avant les dernières élections et nous avons ainsi pu réduire nos positions dans le pays.

Les investisseurs dans les marchés émergents éprouvent certaines difficultés à s’assurer que tous ces rouages fonctionnent correctement, en particulier parce qu’ils sont constamment en mouvement, nombre d’entre eux étant entraînés par des forces qui se déploieront sur plusieurs décennies. Néanmoins, si nous ne nous contentons pas de lire les notations de crédit ou les offres de pondérations des indices, nous pourrons profiter de connaissances plus approfondies et utiles sur ces marchés en utilisant toute l’étendue des outils analytiques, la recherche indépendante et la quête de faits tangibles. Par ailleurs, nous pourrons profiter de la possibilité d’influencer les décideurs politiques pour défendre les initiatives durables de leur pays. En adoptant une approche durable de la croissance et en émettant des obligations associées, les économies émergentes peuvent fondamentalement améliorer leurs perspectives. Cela pourra lancer une véritable révolution sur les marchés émergents et profiter à ceux d’entre nous qui y investissent.